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Photographie de la quatrième semaine de janvier 2013

Fil bleu pastel en 'graf'

 


Fil bleu sur fillette et sa bombe - © Norbert Pousseur

... porteuse de bombe sous son fil bleu ...       Photographie Norbert Pousseur


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Arlon - Belgique - 2012 - Num 21 Mpx - 5d2c_7003


 

Image de violence - fillette portant à deux bras une bombe ...

 

Bien qu'un peu dérisoire, ce fil bleu par son bleu plein de vie, vient brouiller le "message" de ce graf' de fillette portant la guerre

Un bleu pastel contre de noires idées un peu cauchemardesque.

Et en contre-point, ci-dessous, un autre style de bleu, un bleu de nature de ciel de soirée, totalement étranger aux murs mornes de nos villes. Et la question en suspens, au passage : vaut-il mieux le calme contemplatif de la campagne et de la nature, ou l'environnement riche d'idées et d'invention de la Cité ?

... l'occasion de parler du bleu, et du pastel !

 

Ce graf' au pochoir fera partie, par la suite, de la série des graph'mur

Ce qu'on en disait en 1690 dans le dictionnaire de Furetière :

BLEU, Bleue, adj. & Subst. Qui est de couleur d'azur. Le bleu des Teinturiers est une couleur qui se fait avec le pastel , qui croît dans le haut Languedoc; ou avec la vuède ou petit pastel qui croît en Normandie; ou avec de l'indigo qui vient des Indes. Les nuances du bleu sont le bleu blanc, le bleu naissant, le bleu pâle, le bleu mourant, bleu mignon, bleu céleste, il tient le milieu de la nuance; bleu reine; bleu turquin, c’est un bleu bien foncé; bleu de Roy, fleur de guesde, bleu pers, Aldego, & bleu d’enfer. Du bleu & du jaune se compose le vert. Du bleu & du rouge d'écarlate de France Se fait la couleur de Roy, l'amarante, la couleur de pensée, le violet. Du bleu & du rouge cramoisi se compose le colombin, le pourpre, le gris de lin , & autres gris, Suivant qu'ils sont plus ou moins bouillis. Les bleus pâles ou bleus beaux seront teints de pure cuve d’Inde. Les bleus célestes ou complets doivent avoir un pied d'orseille de Lyon, puis être passés sur une cuve d’Inde. C’est une condition nécessaire à la lumière pour paraître bleue, d’être discontinue: telle est celle de la flamme du souffre, de l'esprit de vin, du bois pourri, des vers luisants, des écailles de quelques poissons, & les Sucs des fleurs bleues & violettes deviennent verts par les alcalis, & prennent un beau rouge par les acides. Il parait du bleu dans l’eau où on a mis tremper du bois néphrétique. Le bleu des Teinturiers ne reçoit point de changement par les acides , ni par les alcalis: c'est pourquoi on se sert de pastel avant que de donner une autre couleur, quand on veut donner le bon teint à quelque étoffe.
C'est le très-grand éloignement qui nous fait croire que les cieux sont bleus, une mer très éloignée parait bleue. Ce mot vient de l'Allemand bleue, une origine Latine, & croit qu’on a dit blutum, quasi ablutum aut dilutum, parce que c'est une espèce de couleur de pourpre bien lavée: d'où vient aussi qu’on appelle ces fleurs bleues qui viennent dans les bleds, blaveoli.
En Peinture on dit que le bleu est la couleur la plus fuyante dont on peint le ciel & les lointains.
On dit figurément, qu'un homme devient tout bleu, quand il lui survient quelque violente douleur dans l’âme, comme lorsqu’on lui apporte quelque fâcheuse nouvelle, qu’on lui, fait quelque reproche dont il Se Sent coupable, parce qu’alors il devient en effet pâle & livide.
On appelle un Cordon bleu, un Chevalier de l’Ordre du St. Esprit, parce que la marque de cet Ordre est une croix attachée à un cordon bleu.
L’argent d’un Cordon bleu n’est pas d’autre façon, Que celui d’un Fripier, ou d’un Aide à maçon. Regnier.
On dit proverbialement, Faire des coups bleus, pour dire, Faire des efforts inutiles, des tentatives qui ne réussissent point.

Bleu astre, adj. m. & f. Couleur qui approche du bleu, qui est entre le blanc & le bleu.


PASTEL, f. m. Pâte faite de plusieurs couleurs gommées & broyées ensemble, ou séparément, dont on fait toutes sortes de crayons pour peindre sur le papier, ou le parchemin. Il y a des Peintres qui réussissent merveilleusement à faire des portraits en pastel.

Pastel, qu’on nomme autrement guède, est une herbe qui vient d’une graine qu’on sème au commencement du printemps, & dont on fait quatre récoltes par an, & quelquefois cinq ou six. Elle est d’un grand usage dans les teintures pour préparer les étoffes à recevoir toutes les autres couleurs, & en augmenter le lustre & la durée. Elle leur donne d’abord la teinture bleue. II en croît beaucoup en Languedoc. Le pastel a la feuille presque semblable au plantain. Le meilleur a la feuille unie & sans poil; & le mauvais a la feuille velue, qu’on appelle bâtard. Le petit pastel est celui de la quatrième ou cinquième récolté. Le pastel de la dernière récolte s’appelle marouchin. Le plus vieux pastel est le meilleur. On laisse quelque temps flétrir sa feuille, puis on le met sous la roue pour le piler; après on en fait de petits pains, qu'on appelle coqs, ou cocaignes, qu’on fait sécher à l'ombre sur des claies, jusqu'à ce qu'on le veuille mettre en poudre; ce qu'on fait avec des masses de bois. On le laisse tremper pendant quatre mois dans de l’eau fort croupie, où on le remue environ quarante fois, & puis il est en état d'être emballé & employé. Plusieurs le confondent avec le pastel d’Inde, ou l'indigo, qui est bien de différente valeur & vertu. Une forte couleur de pastel est quasi noire, & est la base de tant de sortes de couleurs, que les Teinturiers ont une certaine échelle ou nombre d’étages avec laquelle ils comptent la clarté & la profondeur de cette couleur. L'indigo est de même nature que le pastel , avec cette différence, que celui-ci est toute la substance de l’herbe; au lieu que l’indigo n’en est que le jus, ou la lie farineuse séchée au soleil, qu'on forme en tablettes ou en boules. On leur donne le même nom en Latin glastum, en Grec isatis. Ce mot vient de pastellum, qu’on a dit pour pastillus.

Il y a un pastel sauvage dont les feuilles font plus grandes que celles du pastel cultivé, & sont semblables à celles de la laitue. Ses tiges sont de deux coudées de haut, plus grêles, plus délicates & plus branchues, outre qu'elles tirent quelque peu sur le rouge. A leur cime il y a plusieurs vessies comme de petites langues qui contiennent sa graine. Ses fleurs sont petites.


Citations extraites de l'ouvrage de 1942 Les Plantes médicinales d'émile Perrot
PASTEL - Isatis tinctoria L. Crucifères. - Le Pastel est répandu dans les champs, dans les endroits incultes, sur les coteaux, les talus de l’Europe centrale et méridionale. Il fut cultivé largement vers le XIIe siècle pour la matière colorante bleue analogue à l’indigo, que l’on préparait avec ses feuilles et qui provient du dédoublement d’un hétéroside, l'indican. Remplacé par des produits de synthèse, le Pastel est parfois cultivé comme plante fourragère.

Dénominations vulgaires :

  • Guède, Vuède, Pastel (français)
  • Fàrber-Wait (Deutsch)
  • Woad (English)
  • Pastello, Vado (Italiano)
  • Hierba pastel (Español)

 

Lire aussi ci-dessous l'article plus complet sur la culture du Pastel,
provenant du Dictionnaire d'Histoire naturelle de Gérin - 1833


Photo de la semaine 04 de l'année 2013

 
Le même en espagnol :
Hilo azul pastel sobre un grafito
Le même en anglais :
Pastel blue thread on a graffiti
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Cette vue du graf' au fil bleu,
peut être agrandie dans ce cadre jusqu'à 80% de sa taille réelle de prise de vue,
en utilisant la fonction zoom

 

 

 


 

Ciel bleu azur et pastel - © Norbert Pousseur

... du bleu d'azur au bleu pastel d'un ciel en soirée ...      Photographie Norbert Pousseur
Provence - 2011 - Num 21 Mpx - 5d2b_6632

 

 

Dictionnaire d'Histoire naturelle de Gérin - 1833

PASTEL, Isatis tinctoria, L. (bot. phan. et agr. ) Nom d’une plante herbacée connue vulgairement sous ceux de Guède, Guesde et de Wouède, corruption du mot Waid des anciens Germains; elle appartient à la Tétradynamie siliculeuse et à un genre de la famille des Crucifères, qui compte une vingtaine d’espèces pour la plupart spontanées sur les Alpes et dans le bassin oriental de la Méditerranée, ainsi que dans les régions voisines du Caucase, de la mer Noire et de la mer Caspienne. C’est à ces pays que certains auteurs prétendent limiter le Pastel des teinturiers, qui doit nous occuper essentiellement; mais il est certain qu’il habite les localités calcaires et pierreuses de l’Europe, depuis les côtes maritimes de la Grèce et de l’Italie, de la France et de l’Espagne, jusqu'aux confins de la mer Baltique. Les vieux Grecs l’appelaient Isatis hemeros, et les Celtes nos pères, tantôt Wadda, tantôt Glass, d’où les Romains ont dit Glastum sativum. Le mot Pastel est employé dans des chartes du onzième siècle de l’ère vulgaire. On nommait alors les gâteaux de Pastel Pastella, et la couleur Pastelure.

De la racine pivotante du Pastel, qui est fusiforme, très-fibreuse et bisannuelle, s’élève une tige droite, cylindrique, blanchâtre, velue, très- rameuse à son sommet, haute d’un mètre et garnie de feuilles un peu glauques, alternes, entières, légèrement dentées, ovales ou oblongues, presque glabres; les inférieures sont pétiolées, lancéolées et fort grandes, tandis que les supérieures sont amplexicaules, sagittées, et prolongées à leur base en deux oreillettes. Une panicule de fleurs jaunes très-nombreuses, soutenues sur des pédicelles filiformes, décore l’extrémité de la tige et des rameaux. Ces fleurs, épanouies en avril, mai et juin, sont composées d’un calice à quatre folioles égales et étalées; d’une corolle à quatre pétales entiers, à six étamines, dont deux plus courtes, ayant leurs filets libres et dépourvus de dents; d’un ovaire supère, aplati, surmonté d’un style à stigmate épais. Le fruit qui succède à cet appareil est une silicule en cœur allongé, pendante, très-glabre, acuminée à la base, très-obtuse et presque spatulée au sommet, trois fois plus longue que large, monosperme, à deux valves carénées, et assez semblable au fruit du Frêne. Cette silicule est verte d’abord, mais elle devient violacée, brune et même noire à mesure qu’elle approche de la maturité parfaite. La graine qu’elle contient est oblongue, violette, conservant assez longtemps sa propriété végétative et levant dix à douze jours après qu’elle est semée.

Le Pastel vient partout, depuis les côtes maritimes jusqu’au pied des hautes montagnes, où il ne craint point les plus fortes gelées. On le confie aux sols les plus ingrats quand on le destine pour fourrage; mais lorsqu’on le cultive afin d’en extraire la partie colorante, les terres à blé, celles où l’on a récolté du lin, ou celles nouvellement défrichées et profondes, sont préférées comme les plus convenables à l’accomplissement des diverses phases de sa végétation, pourvu qu’elles ne soient ni argileuses ni trop humides. Il faut au moins trois labours pour disposer le terrain à recevoir la graine, et si l’on veut la voir prospérer et donner des feuilles de première qualité, l’on doit fumer largement. Les fumiers de substances animales sont les meilleurs; la plante y puise vraisemblablement le carbone azoté dont elle est saturée. Le Pastel, semé dans le mois de novembre, végète durant tout l’hiver. Le plus communément le temps du semis est aux premiers jours de février; cette opération se recule de près de deux mois en Italie, afin de faire coïncider la récolte avec l’époque nécessaire à la préparation de la substance colorante. La plantule sort de terre dix à douze jours après le semis. Aux premiers instants, elle a toute l’apparence du Cynoglosse, Cynoglossum officinale, L. Au bout d’un mois, elle se garnit de cinq à six feuilles qui montent vite; comme elle a dès lors acquis de la force; elle n’exige d’autre travail que d’être débarrassée des mauvaises herbes; cependant quelques légers binages donnés de temps en temps favorisent beaucoup sa végétation. Les premières feuilles se soutiennent droites tant qu’elles sont vertes; elles commencent à mûrir vers le milieu de juin, suivant le climat; et l’on connaît qu’elles sont à point par leur affaissement, par l’odeur forte et pénétrante qu’elles exhalent et par leur couleur jaune nuancée de violet: cette couleur est aussi l’indice que les tiges vont pousser et monter en graine.

Plantation de pastel - reproduction et colorisation par  © Norbert Pousseur
Plant de pastel, extrait du mêrme ouvrage, mais colorisé pour ce site-web

Il est très-important de récolter les feuilles par un temps serein, bien sec, et avec un soleil assez fort pour les obliger, lorsqu’elles sont exposées à son action, à perdre l’eau de végétation qui nuirait à la bonté de la substance colorante. S’il pleut , ou si le temps est humide, il faut différer l’opération, laquelle se fait de trois manières. On ramasse les feuilles à la main, comme on en agit pour les épinards, en ayant la double attention de ne pas blesser le collet de la racine qui est appelé à donner de nouvelles feuilles et de rejeter celles qui seraient altérées par le brouillard ou qui présenteraient des taches jaunes. Quelques personnes empoignent la tige près de terre et la coupent après l’avoir tordue; d’autres la fauchent, ce qui est le mieux. On peut faire trois et même quatre coupes, suivant que la saison favorise davantage la végétation du Pastel et suivant la fertilité du sol. L’intervalle entre chacune est de trente à trente-cinq jours. Les deux premières sont abondantes et de bonne qualité, la troisième est la plus estimée, la quatrième est inférieure, on la nomme Marochin ou petit Pastel, et doit être interdite dans le mélange des récoltes précédentes: les anciens règlements le proscrivaient impérativement.

Quand la plante est destinée à fournir de la graine pour le semis des années suivantes, on se contente de deux récoltes. On l’a vantée comme fournissant une prairie perpétuelle, qu’elle entretient naturellement par la chute successive de ses graines, et comme très-propre à maintenir les Brebis dans un état habituel de santé, de force et de vigueur. Il est peu de plantes qui plaisent autant aux bestiaux, sa saveur piquante éveille et soutient leur appétit. On Fa inscrite aussi parmi les plantes médicinales, comme résolutive, vulnéraire, astringente, et comme article de toilette; les femmes du nord de l’Europe s’en servaient autrefois pour teindre en noir leur chevelure blonde et quelques autres parties de leur corps.

Mais aucune propriété du Pastel n’a été plus vulgaire ni connue plus généralement que celle de donner, par la fermentation, un principe colorant superbe, solide, pour teindre les étoffes. Démocrite est le plus ancien Grec qui en fasse mention, comme Théophraste nous l’apprend en son Traité du sentiment. Les Celtes et les Gaulois, au rapport de Strabon, obtenaient des couleurs pourprées ou violettes, en mêlant ensemble la Garance et le Pastel.

La culture de cette dernière plante, sous le rapport de la teinture, était encore des plus riches et des plus étendues en France au. moment où la préférence fut accordée à l’indigo que l’Amérique, découverte en 1498, expédiait déjà par masses au commerce européen. Elle se conserva jusqu’à la fin du seizième siècle dans plusieurs de nos localités, en particulier sur le territoire actuel des départements du Calvados, de la Haute-Garonne, de l’Aude, du Tarn, de Tarn-et-Garonne, de l’Hérault, du Gard, etc. Nulle part elle ne fut plus brillante que dans le Lauraguais, ses produits y étaient d’une si haute qualité que le pays en reçut le surnom de Pays de Cocagne ( Ce mot, qui signifie aujourd’hui pays d’abondance, de joie et de plaisirs, indiquait alors, non seulement le Pastel, mais encore le pays où on le trouvait le plus cultivé, où il était le centre du commerce immense du Pastel en coque ou Cocagne. ), et la plante celui d'Herbe lauraguaise. C’était là que l’Angleterre, la Flandre, le Portugal et l’Espagne venaient journellement faire leurs provisions; aussi y vit-on longtemps de grandes fortunes et en sortir ces riches marchands auxquels la ville de Toulouse doit ses plus beaux édifices. Malgré la peine de mort prononcée, en 1609, contre quiconque emploierait l’indigo, que l’on appelait alors Indè (drogue fausse et pernicieuse); les teinturiers de Lyon furent les premiers à le rechercher et à faire perdre au Pastel la suprématie dont il jouissait depuis tant de siècles. On commença par ne plus se servir de la plante nationale que comme excipient pour dégager et donner de la solidité à la couleur de l’indigo; l’on perdit bientôt de vue les procédés consacrés par le temps; l’on décrédita tellement l’usage du Pastel, que non seulement on nia la possibilité d’en obtenir une belle couleur bleue, bien unie, mais la quantité qui se vendait en 1382 pour le prix alors très-considérable de dix livres ( puisqu’elle égalait le prix de quatorze hectolitres de pur froment) était refusée en 1620 pour dix sous. L’avilissement du prix rendit inutiles les précautions autrefois recommandées pour la cueillette des feuilles, et pour graduer les fermentations nécessaires à l’entier développement du principe colorant qu’elles contiennent.

Près de deux siècles s’écoulèrent sans que l’on cherchât à réveiller cette industrie. Cependant la politique de l’Angleterre envers la France ayant obligé cette dernière à fermer ses ports et à suspendre toutes relations commerciales avec la première, le sentiment national reporta les idées vers la culture du Pastel. En 1810, des essais nombreux ont été faits dans presque tous les départements pour tirer parti de cette plante tinctoriale. Partout des expériences comparatives ont eu lieu; la culture mieux dirigée par les progrès de plusieurs branches du premier des arts; la manipulation singulièrement améliorée et la chimie prouvèrent bientôt que le bleu du Pastel, traité convenablement, ne le cède nullement en qualité, comme en solidité, au bleu de l’indigo. L’on acquit de plus la certitude qu’en trempant deux fois la laine, la soie, le fil ou le coton dans la teinture du Pastel, on obtenait une couleur plus foncée, tout aussi belle, tout aussi brillante que celle de la plante exotique.
Autrefois on fabriquait des coques avec les feuilles du Pastel, et on les employait avec l’indigo pour monter les cuves destinées à teindre en bleu; les coques facilitaient, il est vrai, la fermentation et ajoutaient la couleur qu’elles contiennent à celle de la plante apportée par le commerce de l’Inde ou des Antilles; mais il est, depuis 1812, reconnu qu’il y a plus d’avantages pour le propriétaire rural d’extraire les molécules colorantes du Pastel que de convertir ses feuilles en coques. Consignons ici les deux méthodes les plus promptes et les plus certaines pour opérer; elles aideront quiconque voudra lutter contre l’indigo et conserver à la France une spéculation agricole et industrielle qu’il est honteux de négliger. Pourquoi, en effet, mendier à l’étranger ce que la nature a placé tout près de nous ?

On dépose dans un Cuvier les feuilles fraîches que l’on a cueillies au degré de maturité et de pureté convenables; on les range de manière à ce qu’elles ne soient pressées sur aucun point, et que leur répartition soit partout aussi égale que possible. On couvre le Cuvier d’une claie d’osier ou d’un réseau en fil à larges mailles, et l’on place dessus un gros tissu de laine. L’appareil ainsi disposé, l’on verse sur les feuilles de l’eau bouillante à cent degrés centigrades; elle se répand également sur toute la masse, et l’on continue jusqu’à ce que les feuilles en soient couvertes. On laisse agir le liquide durant cinq ou six minutes au plus, puis on soutire en ouvrant le robinet du Cuvier, et l’on fait couler à travers un gros tamis dans une autre cuve appelée Reposoir. La lessive, pour être de bon aloi, doit avoir la couleur du vin blanc nouveau très-chargé; on l’agite durant vingt minutes, alors il se manifeste une fleurée brillante et des veines bleues très-abondantes et très-larges.

La fécule du Pastel est plus ou moins formée dans la feuille, selon que celle-ci est plus ou moins avancée en sa végétation; elle n’est pas également soluble dans l’eau à ses diverses périodes, et elle ne l’est pas du tout lorsqu’elle est à l’état d'un bleu noir, comme chez les feuilles parvenues à parfaite maturité. Le moment le plus favorable pour opérer la cueillette est entre le seizième et le dix-huitième jour de sa végétation; si l’on attendait que les bords fussent nuancés par le bleu, la fécule, étant alors arrivée à un haut degré de maturation, ne se dissout plus complètement, et pour l’obtenir, il faut l’extraire par la fermentation. A cet effet, ou remplit aux trois quarts le Cuvier, et l’on y assujettit les feuilles pour qu’elles restent immergées par l’eau chaude, versée sur elles à vingt-deux ou vingt-quatre degrés centigrades. ( Plus chaude, l’eau ferait tourner à la couleur jaunâtre; on obtiendrait, dans ce cas, de la fécule bleue, mais elle serait de qualité inférieure. ) En peu de temps la fermentation s’opère, des bulles d’air de couleur blanchâtre montent à la surface et y crèvent; le travail se termine en dix-huit heures; alors l’eau présente une couleur jaune-citron, tandis que sa surface est couverte d’une légère pellicule verdâtre et irisée. On soutire et l’on fait passer successivement dans le baquet de repos et dans celui du battage, où la fécule se précipite. Elle est très-pure, et de la plus grande beauté.

Que vous adoptiez l’une ou l’autre de ces deux méthodes, précipitez la fécule tenue en suspension ou en dissolution dans l’eau, ce qui s’opère par le battage; elle ne tarde pas à prendre la couleur bleue qui lui est propre. On commence le battage dans l’eau d’infusion dès que la chaleur est tombée entre soixante et cinquante-deux degrés du thermomètre centigrade. Aussitôt que les écumes cessent de se teindre eu bleu, qu’elles restent blanches ou passent à une couleur rougeâtre, c’est un indice que l’opération touche à sa fin. Par le battage, la couleur de l’eau qui était celle du vin blanc brunit de plus en plus. Le battage est parfait, lorsque, en versant de la liqueur dans un verre, elle se montre d’un brun uniforme. Laissez alors reposer; la fécule se précipite en grains au fond du baquet. Huit à dix heures suffisent; soutirez et mettez à sécher.

Si l’on opère sur les feuilles du Pastel avec de l’eau froide, par macération ou par fermentation, le battage ne suffit pas, il faut recourir à l’eau de chaux, jusqu’à ce que la couleur arrive au jaune verdâtre. L’eau de chaux détermine et accélère la destruction d’une partie du mucilage d’indigo, dans le même temps qu’elle pousse à la formation de l’acide carbonique auquel elle s’unit pendant que l’autre partie du mucilage s’organise en fécule avec ces mêmes matériaux.

Nous lisons dans le vieux Traité sur les teintures, par Dubartas ( § 153 ), que « le bon Pastel aug- mente toujours de force et de substance pendant six et sept, voire jusqu’à dix ans, s’il est du meilleur ». On le dispose en boules du poids d’un demi-kilogramme, auxquelles on donne la forme allongée, ou bien on le divise par petits carrés et on le livre aux teinturiers.
Plusieurs espèces d’Altises, vulgairement appelées tantôt Négrils et tantôt Puces des herbes, se jettent, sur les feuilles du Pastel et les rongent; en les saupoudrant de cendres ou mieux encore de chaux vive, on les abrite, non seulement des attaques de ces insectes, mais encore des Urédinées qui les couvrent de petites pustules jaunes. (T. d. B.)



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